Promenades parisiennes

Parcourir Paris en idiot. Sans rien savoir de la ville et de la langue qu’on parle dans cette ville. Découvrir donc cette ville comme une terre inconnue.
J’ai théorisé dans mes textes la puissance poétique de l’idiotie. Je me laisse guider ainsi à Paris par mon idiot. Une sorte de génie intérieur. Le démon de Socrate. Je m’en remets à sa voix.
Une exploration de la ville. Un idiot à Paris. Partir à la recherche des forces vives de la ville. Retrouver derrière ses ruines son idiotie. Sa singularité.
Ne pas comprendre la ville. Se retrouver perdu dans la ville. Y faire l’expérience de son idiotie. Tourner dans la ville. Tracer ainsi une carte de ses trajets. Peindre la ville à l’aide d’un journal. Enregistrer son étrangeté.
Échapper à une certaine rhétorique, à la vieillerie métaphysique. Me plonger dans la ville pour m’y oublier. Une ville entre foi et raison.
La ville comme un organisme vivant et qui nous veut nous parler. Gagner sa confiance et ainsi faire qu’elle nous livre certains de ses secrets. Capter son expression, sa force expressive.
Je veux m’y rendre en poète et armé seulement de mon idiotie. Je veux m’y plonger et capter ainsi son oubli.
Appliquer à la ville mon raisonnement par l’idiotie. La faire ainsi crier. La faire hurler. Enregistrer l’expression de son cri, de son hurlement. Etre comme un animal dans la ville et pour y tourner à l’intérieur.
Une tentative de saisir la ville par l’esthétique. Par la foi et non par la raison. Retrouver la foi de la ville. La retrouver sous sa raison. Redonner ainsi sens à ses ruines. Le fonctionnement intérieur de la ville.
Un travail de plasticien et non d’homme de lettres. Pas un projet littéraire. Une écriture plastique. Une poésie plastique. Je veux comprendre en regardant.
Wolfson : Le schizo et les langues. La ville parle une langue. Capter cette langue et tenter de la déchiffrer. Tout cela loin des études savantes.
J’ai fait ainsi ce double travail sur Paris : Journal d’un criminel et Promenades parisiennes.
Les sexes de la ville. Les églises comme de gigantesques phallus. Sa vie souterraine. Son mouvement propre. Les désirs qui la nourrissent. La ville : une sorte de Léviathan. Un être gigantesque qui vit du sang de ses habitants. Une fourmilière. Je pense ici à des poèmes de Georg Heym.
La science de la ville. La science de l’urbanisme. Le Formulaire pour un urbanisme nouveau d’Ivan Chtcheglov : regarder la ville pour la recréer.
Tout le contraire d’une étude scientifique sur la ville de Paris. Bien au contraire la découvrir par l’oubli. Par la non-compréhension. Par la méthode donc de l’idiotie.
Une sorte d’exploration psychogéographique de la ville.
Ressentir poétiquement la ville. La respirer. Ressentir son souffle sur soi. L’odeur de son haleine.
Seuls outils : mon crayon, mes carnets pour écrire, mon appareil photo et mon ordinateur.
La non-compréhension est une arme entre les mains du poète. Il peut ainsi voir certaines choses cachées.
La dérive comme mode de compréhension de la ville. Intégrer sa logique propre pour parvenir à mettre en équation son silence.
Il faut recevoir la ville en soi et gagner sa confiance de telle façon qu’elle se laisse aller à se confier à nous.
Nous sommes automatisé par les modes de fonctionnement capitalistes que sa structure engendre sur nous
Visiter ses bas-fonds. Le cheminement du poète à travers la cité. Platon a voulu rejeter de la cité les poètes. C’est que les poètes sont en mesure de dire le silence de la cité et que ce silence dérange les philosophes.
Il y a un discours de la ville. Ce discours repose sur un silence. Nous nous proposons de partir à la recherche de ce silence. La ville est un animal et le poète est en mesure de dialoguer avec cet animal. Le philosophe, lui, ne cherche jamais qu’à dompter la ville et sans chercher à comprendre ses pulsions, ses envies.
La ville, c’est pour moi un poète qui marche, un poète qui se laisse aller à la parcourir et pour tenter de dire son silence.
La vie intime de la ville.
Une année. Vivre longtemps dans la ville. S’immerger dans son corps. Rentrer dans son rythme.
La ville du Beau ? Le beau naît de la rencontre entre foi et raison.  Idiot = Beau. La beauté façonnée par le philosophe-artiste. Trouver la beauté secrète de la ville.
Qu’est-ce que je nomme lorsque je parle de l’idiotie de Paris ? Je parle de son non-sens, de sa vie souterraine, de ses silences.
Il y a deux Paris. Toute ville est double. Nous voulons rendre compte de l’autre ville, de celle qui prend vie lorsqu’on se laisse à y errer poétiquement. La ville qui se cache sous la ville. Comme il y a un discours sous le discours. La ville que les situationnistes ont cherché à définir dans leurs travaux psychogéographiques.
Le sens de la ville, c’est de me faire écrire poétiquement. J’aime la ville pour ce qu’elle éveille en moi. La ville se boit comme une bouteille de vin. La ville rend ivre et cette ivresse libère les facultés créatrices du poète. Elle agit comme un corps de femme. Elle éveille en nous notre désir et jusqu’à nous faire faire enfreindre les lois morales.
La ville se lit comme un corps de femme. Je veux peser ce corps et pour pouvoir l’oublier et ainsi découvrir d’autres corps. Peser pour effacer et ainsi pouvoir indéfiniment recommencer. Je poursuis mon plaisir et pour le durer, pour l’indéfinitiser. Le plaisir de la ville : le plaisir d’un corps de femme qui s’offre à nous et pour nous permettre d’en jouir.
La ville nous renvoie à notre solitude. La ville nous renvoie à nous-même.
J’ouvre la ville religieusement. Les mains avec lesquelles je saisis son corps de femme tremblent de plaisir car je sais la jouissance qui m’attend. Et j’aime ainsi savoir.
Ce savoir de la ville est le seul savoir qui résiste à l’idiotie. Le savoir de ceux qui savent ne savoir que peser les livres et savent ainsi toujours recommencer ce savoir. Et ainsi sauver leur bonheur d’exister en idiot.

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