"Francis Giauque est mort de n’avoir pas pu réaliser poétiquement son délire. Il est mort asphyxié par son silence. Par le silence généré par son délire. Un silence qui l’a amené à se sentir tragiquement coupable de son délire. Il n’a pas eu les moyens matériels et humains qui lui auraient permis de réaliser poétiquement sa folie en la chevauchant librement pour la laisser écrire à travers lui le récit de son existence. J’ai réalisé moi ma folie d’idiot en liberté et c’est cela même qui m’a permis de traverser vivant ma folie."
∞
"Est-ce que je ne rends pas visible avec mes journaux les dessous amoureux de l’existence animale des poètes suicidés de la société ? Pour être un poète suicidé de la société il faut consentir à taire cette existence animale. A la vivre silencieusement pour soi. A ne la partager avec personne. C’est pour cela que les poètes suicidés de la société en viennent souvent à se suicider physiquement. C’est qu’ils se sentent asphyxié par le mensonge amoureux de leur existence animale. Je veux moi dénoncer cette existence animale en me faisant poète idiot. Je veux ainsi révéler publiquement ma sexualité de poète suicidé de la société. C’est en faisant cela même que je cesse de pouvoir exister en poète suicidé de la société. C’est ainsi que j’advient à moi-même comme un poète idiot. Je cesse de pouvoir exister amoureusement comme un personnage et c’est ainsi que j’advient amoureusement à moi-même comme l’auteur de ce personnage que je ne suis plus."
∞
"Je pense que la catégorie de poète suicidé de la société est une catégorie littéraire qui date des années 50. Je veux moi renouveler l’analyse littéraire de la poésie avec la catégorie de poète idiot que je travaille à développer actuellement."
∞
"Est-ce que je ne rends pas visible avec mes journaux les dessous amoureux de l’existence animale des poètes suicidés de la société ? Pour être un poète suicidé de la société il faut consentir à taire cette existence animale. A la vivre silencieusement pour soi. A ne la partager avec personne. C’est pour cela que les poètes suicidés de la société en viennent souvent à se suicider physiquement. C’est qu’ils se sentent asphyxié par le mensonge amoureux de leur existence animale. Je veux moi dénoncer cette existence animale en me faisant poète idiot. Je veux ainsi révéler publiquement ma sexualité de poète suicidé de la société. C’est en faisant cela même que je cesse de pouvoir exister en poète suicidé de la société. C’est ainsi que j’advient à moi-même comme un poète idiot. Je cesse de pouvoir exister amoureusement comme un personnage et c’est ainsi que j’advient amoureusement à moi-même comme l’auteur de ce personnage que je ne suis plus."
∞
"Je pense que la catégorie de poète suicidé de la société est une catégorie littéraire qui date des années 50. Je veux moi renouveler l’analyse littéraire de la poésie avec la catégorie de poète idiot que je travaille à développer actuellement."
(Journal d’un personnage et son auteur)
J'ai eu en 2017 le projet de développer avec le réalisateur Xavier Gayan un documentaire Francis Giauque. Nous avons réalisé un dossier pour tenter de réaliser ce projet dans le cadre d'une résidence à Malevoz Quartier Culturel prévu pour mai 2018. Notre candidature n'a pas été retenue. La lettre qui suit à été rédigée pour soutenir notre candidature à cette résidence.
Monsieur,
Je développe depuis vingt ans un travail d’écriture poétique, à la fois plastique et littéraire, sur le thème de l’idiotie. J’ai mené ce travail de manière indépendante, mais il a pris davantage de consistance lors de ma formation à l’école des Beaux-‐Arts de Paris, dont je suis sorti diplômé en 2005. J’ai ensuite poursuivi ce travail et notamment publié le Traité d’idiotphysique en 2008 aux éditions La Cinquième Roue. Vous trouverez quelques illustrations de mes productions jointes à ce dossier.
Parmi mes diverses sources d’inspiration, le poète Francis Giauque occupe une place de choix. J’ai choisi d’évoquer son influence dans le cadre du documentaire de Xavier Gayan « Les Poètes sont encore vivants », dont je suis l’un des protagonistes. Xavier Gayan projette de réaliser un nouveau documentaire, portant cette fois spécifiquement sur la vie et l’œuvre de Francis Giauque, et m’a donc demandé de l’assister dans son écriture et sa réalisation. J’aimerais articuler ce projet avec celui, plus personnel, d’écrire un journal poétique autour du destin tragique des poètes « suicidés de la société » (je reprends ici le titre du livre d’Artaud, Van Gogh, le suicidé de la société). Une résidence à Malevoz Quartier Culturel serait idéale pour développer ces deux projets, qui mêlent des réflexions sur la création et les troubles psychiques autour d’un auteur suisse.
Toute sa vie, Francis Giauque s’est considéré comme un poète maudit et a terminé tragiquement son existence à 31 ans par un suicide. Je suis aujourd’hui âgé de 40 ans mais j’ai longtemps ressenti moi aussi une forte attirance pour un tel destin. La psychanalyse m’a aidé à remettre en cause cette lecture romantique et destructrice de la vie. Francis Giauque était conscient de la nécessité pour lui de trouver une forme de vie qui lui aurait permis d’échapper au destin des poètes maudits dont il appréciait la lecture. Il ne voulait pas mourir en héros de la poésie et était prêt à faire des concessions. Ses diverses activités professionnelles lui ont permis d’échapper au sentiment d’exclusion, mais seulement de manière provisoire.
Je voudrais développer un travail poétique autour des poètes « suicidés de la société » en partant d’une lecture de l’œuvre de Francis Giauque à l’aune de ce projet d’insertion sociale avorté. Je questionnerai le mythe selon lequel la psychanalyse viendrait tuer une certaine pureté poétique en dévorant l’âme des poètes. Giauque s’est senti hanté par le destin de poètes comme Artaud, Prevel, Gilbert-‐Lecomte, Essénine, Nerval, Lautréamont, Poe, Hölderlin ou encore Pavese. Il nommait ces poètes ses frères. Ces derniers ont eu à la fois le désir de vivre un destin de poète maudit et d’y échapper. Je mettrai en lumière ce conflit que vivent beaucoup de jeunes artistes depuis des siècles et qui m’a moi aussi hanté.
Comme je l’ai toujours fait, cette réflexion poétique et littéraire se fera en lien étroit avec des activités de création purement plastiques (photographie, dessin, peinture), qui viendront nourrir mon travail. Je considère en effet que la poésie peut être plastique et gagne à ne pas se cantonner au domaine purement littéraire. Ce faisant, l’activité créative peut aussi être davantage partagée, ce que je propose de faire en organisant pour le public de l’hôpital des lectures-‐débats et des séances de travaux plastiques collectifs.
En vous remerciant de l’attention que vous porterez à ce projet, bien à vous,
Emmanuel COMTET
Je pourrais dédié ce site au poète Francis Giauque.
Francis Giauque n'est-il pas le dernier des poètes suicidés de la société et le premier des poètes idiots ?
Francis Giauque n'est-il pas le dernier des poètes suicidés de la société et le premier des poètes idiots ?