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Vendredi 22 mai
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Il est vrai que mon écriture c’est du père. Je dialogue avec mon père en tenant mes journaux. Je dialogue ainsi avec celui que je ne parviens pas à nommer.
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Samedi 23 mai
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Je me dis souvent lorsque je me met à parler Madame de la Critique de la Raison Pure : « Je suis l’homme le plus heureux du monde. » Je me dis cela parce que je suis toujours en vie. Parce que je suis parvenu à survivre à ma propre mort.
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L’absence de nom : l’impossibilité d’orthographier correctement un nom ?
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Dimanche 24 mai
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Journal sans nom : Journal d’un créateur impossible à nommer. C’est le texte lui-même qui est un personnage anonyme. L’écriture est anonyme. Une écriture qui est elle-même un personnage sans nom. Un personnage impossible à nommer. Un personnage sans nom.
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Lundi 25 mai
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J’aime pétrir des corps de femmes comme un artiste peut pétrir l’argile pour faire naitre de cette terre la pensée de sa vision. J’ai ainsi des mains voluptueuses. J’aime voir avec mes mains. Sentir physiquement par le toucher ce qu’il m’est donné de voir.
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Vendredi 29 mai
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Cette question de la décision est au centre de mon projet d’écriture. Je tiens des journaux parce que je veux prendre des décisions. Notamment des décisions concernant ma vie amoureuse et ma sexualité tout particulièrement.
Ce Journal sans nom : la tentative d’écrire un journal sans prendre de décision ? En tentant de ne plus prendre de décisions ?
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Jeudi 4 juin
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Je pense à ce roc que je rencontre en essayant de saisir le sens du titre de ce journal. Je me dis qu’il s’agit peut-être du même roque que je rencontre en faisant l’expérience de l’impossible d’un corps de femme.
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Vendredi 5 juin
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Un roc qui me fait roquer. Mon existence est une partie d’échec.
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Je viens de surfer sur mon Journal amoureux. Je pense à ceci. J’ai traité la notion de décision par l’écriture de mon Journal d’une décision. J’ai traité la notion de pardon par l’écriture de mon Journal du pardon. Je traite ainsi animalement des notions en diariste de mon intimité. Avec ce Journal sans nom je cherche ainsi à traiter pour moi l’absence de notion. Je cherche à traiter intimement la possibilité pour moi de ne pas traiter ainsi une notion en diariste de mon intimité. J’aimerai avec journal voir si je peux ne pas traiter animalement une notion. Et je vois là que je vis cette absence de notion à traiter comme un roc. Je ne peux pas faire autrement que de traiter ainsi des notions animalement. Je ne peux pas m’empêcher de faire cela car je ne peux pas m’empêcher de vivre amoureusement de moi-même. L’absence véritable de nom ce serait pour moi la possibilité d’aimer une femme. Il me faudrait alors choisir de ne plus penser animalement et je sais que cela m’est tragiquement interdit. Je ne peux donc que parler romantiquement à B. et qu’aimer physiquement C. . B. et C. ne peuvent être pour moi que des femmes limites me permettant de prendre conscience de cette tragique condamnation à l’idiotie que j’ai ainsi à vivre nécessairement. On en guérit pas un pédophile. De la même façon on ne gérait pas un poète mangeur de femmes.
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Mardi 9 juin
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Ce qui n’a pas de nom : ce qui est au-delà du dicible. Ce qui ne peut pas être dit. Ce qui ne peut qu’être tu. Ainsi je ne peux que taire à ma famille la sorte de vie amoureuse que je mène. Je ne peux pas parler de ma sexualité avec mes parents. Je ne peux pas nommer en leur présence la forme d’amour qui m’habite.
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Mercredi 10 juin
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Je suis condamné à habiter dans « le cimetière de la morale » pour reprendre là le beau titre d’un livre de Rolland Jacard. Je ne peux pas quitter ce cimetière. Je vis ainsi avec les morts. J’ai pour compagnons de vie toutes les victimes de la morale.
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Samedi 20 juin
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J’ai pensé en visitant la collection du Ludwig Muséum vendredi que je cherchais plastiquent à faire une synthèse entre l’expressionnisme d’un Otto Dix et le formalisme d’un Malevich. Le corps et la langue. La foi et la raison. C’est cela pour moi l’art idiot : un art qui tente une pratique expressive de l’être à l’aide d’équations. Pratiquer affectivement le rationalisme. Pratiquer rationnellement un art affectif. Etre ainsi à la frontière entre les deux pôles esthétiques de l’art. L’idiotie pose pour elle la nécessité de ses deux pôles pour se rendre créative. C’est ma pratique plastique de philosophe-artiste.
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Lundi 22 juin
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Un journal sans nom : un journal sans voix ? Un journal sans Madame de la Critique de la Raison Pure ? Un journal qui dit ainsi l’impossibilité pour moi à ne pas nommer mon idiotie ? L’impossibilité pour moi d’une idiotie sans nom ? Je suis obliger de faire parler mon idiotie. Je suis obligé de la nommer. C’est pour cela que je dois continuer à travailler au mangeur de femmes. Je dois continuer à délirer animalement pour permettre à mon idiotie de continuer à vivre. Pour permettre à mon idiotie de rester vivante. C’est pour cela que je me fais le christ de mon idiotie. Pour sauver avec ma langue mon idiotie. Je la sauve en travaillant ainsi à la nommer poétiquement. Je fais tourner avec mon corps et avec ma langue mon idiotie. Je la fais respirer poétiquement en délirant physiquement et mentalement et ainsi je lui permets de se maintenir en vie. C’est pour ne pas mourir asphyxier. L’idiotie est l’enfant que je porte en moi. Je suis la mère de mon idiotie. J’enfante poétiquement mon idiotie en travaillant à la nommer. Je la nomme ainsi pour lui permettre de vivre comme une mère permet à son enfant de vivre en se liant physiquement et mentalement à lui. En se liant amoureusement à lui. Je suis lié amoureusement à moi-même par mon idiotie. Je suis lié amoureusement à mon idiot comme une mère est liée amoureusement à l’enfant qu’elle a porté dans son ventre. Je nomme mon idiotie pour accoucher poétiquement de cet être que je porte animalement en moi.
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Je dois nommer sans cesse mon double. Je dois sans cesse nommer mon journal pour lui permettre de se dérouler poétiquement. Un journal sans nom ce serait ainsi un journal sans vie. Un journal mort-né. Un journal incapable de délirer. Je nomme mon journal pour parvenir à continuer à délirer poétiquement. Je continue à délirer animalement pour pouvoir continuer à tenir poétiquement mon journal. Le nom c’est le lien qu’il y a entre le journal que j’écris et l’existence que je mène. Le nom c’est ce qui permet de donner un sens poétique à mon existence animale et un sens animal à mon existence poétique. Le nom est le moteur animal de mon existence poétique et le moteur poétique de mon existence animale.
Le nom avec lequel je nomme mon journal est un pont qui me permet d’aller de moi-même à moi-même. Je nomme mon idiot pour traverser ainsi la distance qui me sépare de moi-même. La distance qui me sépare de mon double. Je traverse poétiquement mon existence animale et animalement mon existence poétique pour advenir ainsi animalement et poétiquement à moi-même en donnant vie animalement et poétiquement à mon double. Je nomme l’idiotie de mon double pour advenir ainsi poétiquement et animalement à ma propre idiotie. Je me fais le christ de mon double pour surgir poétiquement et animalement à moi-même. Pour accoucher poétiquement de l’être animal que je porte en moi. Pour dérouler poétiquement l’existence animale de mon double.
Il est impossible qu’il n’y ait pas de nom. Ce journal sans nom dit cette impossibilité. Un poète qui ne nomme pas est un poète qui meurt. S’arrêter de nommer pour un poète c’est abandonner poétiquement la flamme de la création. C’est renoncer à l’art pour une vie animale sans voix. Pour une vie animale sans double. L’écriture est le double nécessaire de l’existence animale pour le poète idiot. Je dois nécessairement me faire le christ de mon idiotie si je veux parvenir à rester artistiquement vivant. Je dois continuer à manger des femmes si je veux parvenir à ne pas m’effondrer poétiquement. L’idiotie est un vide que je remplis poétiquement avec mon existence animale pour lui donner un sens artistique. Je fais ainsi avec le vide de l’idiotie qui m’habite une oeuvre d’art possible pour le poète idiot que je suis.
Francis Giauque n’est-il pas ainsi mort de n’avoir pas su nommer son idiotie ? Il est mort asphyxié de n’avoir pas su se traverser animalement et poétiquement pour ainsi parvenir à accoucher de son double. Il n’a pas pu dupliquer par l’écriture son existence animale et pour cela son idiotie est morte et lui avec. Comme une femme meurt d’un enfant qui se meurt en elle. Pas d’idiotie possible parce que pas de duplication poétique possible de l’existence animale. Il faut donner vie à son double pour parvenir à se faire poète idiot.
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Un journal sans nom : un journal sans amour. Nommer c’est aimer.
Une réflexion sur l’acte de nommer. Je nomme mon journal comme on nomme un être vivant. Pour lui permettre d’accéder à une existence animale libre. Pour lui permettre d’accéder amoureusement à sa singularité animale.
J’ai besoin de le nommer justement parce qu’il n’a pas de nom.
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Mercredi 24 juin
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Il est 17h24. Je viens de regarder sur internet les photos de Jean-Pierre Duprey. Je me dis que c’est le fait de pouvoir me parler les autres qui m’a permis ainsi de trouver une assise au-delà du bien et du mal comme me l’a dit Nathalie Georges. Si je m’étais lié amoureusement à une femme je n’aurais jamais pu ainsi cesser d’avoir tragiquement à ne pouvoir que parler les autres. Je n’aurais ainsi jamais pu prendre poétiquement le contrôle de mon idiotie. Je ne serais ainsi jamais parvenu à chevaucher la monture de mon idiotie. J’avais besoin de me marier ainsi amoureusement avec moi-même pour pouvoir ainsi librement travailler à me parler les autres. Pour pouvoir ainsi librement traverser poétiquement mon existence animale. Pour pouvoir ainsi librement me rendre au-delà du bien et du mal. Pour me dégager poétiquement de la vision morale de l’existence que j’avais hérité de mes parents et qui m’avait transformer tragiquement en christ de ma propre idiotie.
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Dimanche 28 juin
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Suis-je à la recherche d’une femme sans nom ? Parce que je suis un homme sans nom ? Parce que mon père n’a pas eu de père ?
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Lundi 29 juin
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Aie-je fait l’expérience d’une pandémie amoureuse ? Ma langue de l’idiotie n’est-elle pas l’expression de cette sorte de pandémie amoureuse que j’ai eu à vivre ?
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Vendredi 10 juillet
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Un journal sans nom : un journal idiot. L’idiotphysique : une science sans nom ? L’idiot : celui qui n’a pas de nom. Celui qui est sans nom. Sans fonction sociale.
Un journal sans nom : un journal sans image. Le nom de l’amour n’existe pas. Il est impossible de nommer l’amour. D’où le romantisme. On parle de l’amour de façon métaphorique.
J’utilise les mots de la langue pour voir. Chaque mot est pour moi une vision.
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Je suis en enfant. Je suis amoureusement comme un enfant. Je suis incapable de me conduire amoureusement comme un adulte.
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La question de l’impossible. Il est impossible d’être quelqu’un d’autre. Mais qu’est-ce qu’être soi-même ?
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N. G. m’a dit que l’instinct chez l’homme est considérablement perverti par l’apprentissage de la parole. C’est là une des pensées fondamentales de la psychanalyse. Il n’y a pas d’instinct en amour. Notre rapport à l’amour est nécessairement perverti par notre apprentissage de la parole.
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On vit comme si la vie n’était pas un miracle. On oublie le miracle de la vie.
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Vendredi 17 juillet
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Je suis à moitié poète et à moitié philosophe. Je me fais philosophe du poète que je suis et poète du philosophe que je suis. Je dis philosophe mais je pourrais aussi dire idiot. Le philosophe que je suis à moitié c’est l’idiot que je suis. Je déroule mon idiotie pour dérouler ainsi la philosophie du poète que je suis.
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Dimanche 19 juillet
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J’étais avant comme un homme qui n’avait jamais parlé. Je suis resté silencieux jusqu’à l’âge de 20 ans. C’est en me sexualisant que je me suis mis à parler.
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Lundi 20 juillet
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Je suis attiré par les femmes les plus sollicitées par les membres du groupe. Je suis attiré par les femmes les plus femmes. Les plus socialisées. Celles qui ont le plus sur elle la beauté du groupe ?
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Mardi 21 juillet
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Un journal sans nom : un journal sans rien d’autres que des pensées animales. Un journal où il n’y a plus que le corps. La langue du corps.
Le prêtre est là pour parler religieusement de l’amour. Moi je suis un poète et pour cela je me dois de parler animalement de l’amour. C’est pour cela que je déroule amoureusement la langue animale de mon corps poétique.
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Vendredi 24 juillet
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C’est oralement qu’on peut rendre visible la façon de vivre et de penser qui fait de nous des voyants. C’est oralement qu’on peut rendre visible l’artiste que l’on est. C’est oralement qu’il faut juger les artistes. Non par l’écrit mais par la parole. Moi je travaille à enregistrer dans les journaux la parole qui fait de moi un artiste.
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Samedi 25 juillet
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Quelqu’un qui n’a pas de nom. La violence qu’on exerce sur l’autre en jouant avec son nom. Nestor Qui. Je suis celui qui est sans nom.
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Un journal sans nom : une personne qui n’a pas de nom. Suis-je ainsi un être sans nom ?
En tenant mes journaux je rends visible ce qui me rend voyant.
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Ce qui me rend voyant : ce qui me rend beau. C’est en travaillant sexuellement à se rendre beau qu’on parvient à se faire poétiquement voyant. La beauté de l’artiste c’est la lunette astronomique avec laquelle il observe le monde. J’ai fait moi le choix de rendre visible le fonctionnement interne de ma beauté. Le fonctionnement interne de ma lunette astronomique : le corps que j’utilise sexuellement pour me rendre voyant.
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Dimanche 26 juillet
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Je rends visible mon âme à moi-même et aux autres en tenant mes journaux. Je m’occupe de mon âme comme d’un animal domestique avec lequel j’aurais à vivre. Je m’occupe amoureusement de mon âme en tenant poétiquement mes journaux.
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Mardi 28 juillet
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Je m’en fiche. Personne ne pourra m’empêcher de tenir des journaux pour dire la vérité que j’ai eu à vivre. Cette vérité qui est inexistante pour mes amis sociologues. Cette vérité que les fascistes du coeur travaillent à rendre invisible. Cette vérité qui fait de l’idiot un christ ayant à endurer la violence de la normalité.
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Mercredi 29 juillet
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Je suis un artiste qui est entré vivant au MAM. Je suis une oeuvre d’art vivante. Je m’expose vivant en travaillant au MAM comme agent d’accueil et de surveillance des salles. J’appartiens à la collection d’oeuvres du musée.
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Je me pense ce soir comme l’Abélard du XXIe siècle. J’ai été amoureusement castré comme Abélard. J’ai construit ma philosophie sur cette expérience de la castration mentale que j’ai eu à subir après avoir rencontré Madame de la Critique de la Raison Pure.
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Vendredi 31 juillet
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Madame C. a joué avec mon nom. Elle a effacé mon nom. Elle m’a fait perdre mon nom. Je cherche aujourd’hui à retrouver poétiquement mon nom. A pouvoir être appelé à nouveau par les autres par mon nom.
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Lundi 3 août
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La question du nom. Je ne me suis pas fait de nom dans le monde de l’art contemporain. Je suis un artiste inconnu. Je suis un artiste sans nom. Pour cela je ne suis pas considérer par les autres comme un artiste. Je suis juste un raté. Un idiot qui se prend pour un artiste.
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Je suis mon journal. Je suis un journal sans nom. Etre un artiste, c’est pour moi être un journal. Le journal de la Madame de la Critique de la Raison Pure que madame C. m’a forcé à devenir. Elle m’a ainsi obligé à devenir une Madame de la Critique de la Raison Pure en jouant avec mon nom. En effaçant mon nom. En me redisant à être un être sans nom. Un être ayant perdu son nom. Madame C. m’a volé mon nom pour que je ne puisse pas être en mesure de réveiller son idiotie au monde.
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Je vis le musée comme un asile de paix pour les artistes. J’ai trouvé refuge au MAM. Je me sens ici en sécurité parmi les oeuvres d’art. Je suis moi-même une oeuvre d’art. Une oeuvre au MAM parmi une multitude d’oeuvres d’art. Des oeuvres d’art mortes. Moi je suis une oeuvre d’art vivante. Je suis une oeuvre d’art vivante parce que je suis un artiste mort. Un artiste qui a survécu à sa propre mort en se faisant oeuvre d’art. C’est cela même être un artiste sans nom. C’est être un artiste mort. Un artiste qui se sommeille. Un artiste qui attend d’être reconnu par le monde de l’art comme une oeuvre d’art à part entière.
Etre un artiste mort, un artiste sans nom, c’est être en mesure d’être une oeuvre d’art vivante. Pour parvenir à tuer l’oeuvre d’art vivante que je suis il faut parvenir à me nommer. Parvenir à me doter à nouveau poétiquement d’un nom. En me nommant je reviendrais vivant et du coup je cesserai de pouvoir continuer à exister comme une oeuvre d’art vivante.
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C’est parce que je me suis marié avec moi-même que je suis parvenu à cultiver poétiquement une idiotie créative. Y a-t-il une différence entre pouvoir et vouloir ? N’est-ce pas un seul et même mot ? Je peux parce que je veux. Je veux parce que je peux. Et devoir ? Est-ce que je ne dois pas uniquement parce que je veux et parce que je peux ? Le triangle devoir-pouvoir-vouloir : le triangle de l’idiotie.
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Je veux rester une oeuvre d’art vivante pour pouvoir ainsi continuer à penser animalement. C’est pour cela que je veux continuer à travailler à rester un artiste sans nom. Je veux ainsi conserver en moi la force artistique que me confère le fait d’être un artiste totalement anonyme.
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Mardi 4 août
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J’avais dit à N. en commençant à écrire mon Journal sans nom que ce titre « Journal sans nom » était comme un roc pour moi. Quelque chose que je ne parvenais pas à penser. Il me semble que maintenant je suis parvenu à penser ce roc. J’y suis parvenu en le sculptant avec ma langue. Par l’écriture j’ai donné une forme visible pour moi et les autres au titre de ce journal. Ce travail d’éclaircissement : la nécessité qui me fait écrire mon journal. Je sculpte animalement ma pensée en tenant ce journal. J’écris pour comprendre pourquoi j’écris. J’écris pour penser le sens de mon écriture. Pour penser ce sens authentiquement. J’écris pour sauver ainsi poétiquement le sens de mon existence.
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L’esprit de Madame de la Critique de la Raison Pure : un esprit de normalité. Un esprit de normalisation sociale. Un esprit de normalisation sexuelle. Le poète idiot c’est celui qui combat animalement cet esprit de normalisation amoureuse en s’en prenant poétiquement sa Madame de la Critique de la Raison Pure. L’esprit de normalité des fascistes du coeur.
Une époque frigide : une époque sans jouissance amoureuse. L’époque du fascisme du coeur. La seule jouissance tolérée : celle de celui qui domine socialement l’autre. La jouissance que nous procure le fait de nous sentir supérieur socialement à l’autre.
Je transforme mon intimité en oeuvre d’art. Je donne ainsi un sens poétique à mon intimité. Un sens poétique à ma souffrance animale de philosophe-artiste.
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Je veux faire entendre le silence de mon père pour me nommer avec le bruit de ce silence : c’est cela même qui est pour moi jouer poétiquement la musique de l’idiotie. La musique de la pensée animale.
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Mon rapport ironique à moi-même : une distance qui me protège de moi-même et des autres. J’ai un rapport parodique à mi-même qui me permet de ne pas me prendre au sérieux et ainsi de rester poétiquement libre. Je reste poétiquement libre en restant idiot. J’ai ainsi fait le sacrifice de ma relation à J. P. pour ne pas tomber dans le piège d’être un artiste qui se prend au sérieux et qui pour cela ne sait plus que se répéter lamentablement à l’infini. La plainte lamentable d’un style qui ne sait que se répéter à l’infini. Je veux moi tenter au contraire de me réinventer poétiquement en permanence . C’est cela pour moi le style de l’idiotie : le style de celui qui ne sa laisse par enfermer dans une image voulue par la nécessité d’un public extérieur. Il me faut pour parvenir à cela faire le choix de rester un artiste anonyme. Refuser donc le soutien des autres artistes. Sacrifier mon existence sociale pour me sauver en tant qu’oeuvre d’art.
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Etre un visuel, c’est être un révolté. Une révolte contre le monde des auditifs. Une révolte par les images contre le monde sonore de la normalité sociale. La société des auditifs utilise les images de la publicité pour réduire socialement à l’esclavage le peuple des visuels.
J’ai un rapport visuel au corps de la femme. J’ai une sexualité de visuel. Je n’ai pas une sexualité d’auditif : la sexualité du père de famille, de celui qui respecte socialement les normes bourgeoises de notre société.
Je dis dans mon journal à mon père et à ma mère ce que je n’ai jamais osé leur dire. Je dis dans mon journal à mes amis ce que je n’ai jamais osé leur dire. Je m’avoue homme aux femmes et femme aux hommes dans mes journaux. Je dis cette contradiction amoureuse qui m’habite et qui fait de moi un artiste pour ainsi me faire comprendre de ceux que j’aime. Pour ainsi m’avouer animalement à mes frères et soeurs humains. C’est là le sens religieux de la confession qui me permet ainsi de réaliser ce miracle amoureux de l’idiotie : le miracle poétique de mes journaux. Le miracle de mon écriture.
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Je suis un artiste socialement invisible. Une oeuvre d’art socialement invisible. C’est cela même qui me permet de travailler à me rendre animalement visible. A me rendre amoureusement visible. Mes amis sociologues ne peuvent pas voir tout cela car tout cela est sociologiquement invisible. Je travaille moi à rendre cela animalement visible pour parvenir ainsi à leur faire voir cela. Pour parvenir à me rendre amoureusement visible à eux.
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Mercredi 5 août
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Mon idiotie me rend sensible. C’est parce que je suis idiot que je vois des choses que les sociologues sont eux incapables de voir. C’est là la vision que me confère ma sensibilité d’artiste. Ce qui me rend voyant. Je veux rendre visible mon idiotie en tenant mes journaux pour rendre ainsi visible aux autres ce qui me rend voyant. Rendre visible ma nature de voyant. Ce qui me rend visuel. Ce qui fait que je ne suis pas un auditif mais bien un poète idiot capable de rendre visible ce que les sociologues sont eux incapables d’entendre. Rendre visible le silence de la sociologie. L’espace silencieux que la sociologie est incapable d’investiguer. Les sociologues n’entendent pas ce silence. Les artistes seuls savent le rendre visible. C’est l’espace de l’idiotie : l’espace que le poète idiot travaille à explorer animalement.
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L’assise du « je me parle les autres » : une assise qui me permet de faire face à l’adversité de la vie collective pour l’individualiste que je suis. Une assise qui me permet de traiter poétiquement mon « je parle les autres ».
Les sociologues ont une sexualité auditive. Le poète idiot a une sexualité visuelle.
Il y a dans la salle de Fluxus une oeuvre d’Eric Dietman. Cet artiste a été professeur aux Beaux Arts. Je l’ai connu là-bas. Je me souviens de ce mot d’Eric Dietman à mon égard. J’étais en train de trainer dans la cour des Beaux Arts. Il est venu me voir et en me montrant un clochard schizophrène qui était en train d’errer dans la cour de l’école il m’a dit : « Dans dix ans vous serez comme lui ! » Dietman est mort un an après mon arrivée à l’école. Plus de 15 ans ce sont écoulés depuis et je suis parvenu à ne pas devenir ce clochard schizophrène. C’est ma pratique poétique de la pensée animale qui m’a permis de déjouer un tel avenir social. J’ai été sauvé d’une folie pathologique par ma pratique poétique du « je me parle les autres ». C’est mon « je me parle les autres » qui m’a permis de rester vivant dans l’enfer de mes voix. J’ai ainsi survécu à ma propre folie. J’ai ainsi survécu à ma mort socialement nécessaire. Un miracle inexplicable d’un point de vue sociologique. Seul l’art peut permettre de rendre compte d’un tel miracle de l’idiotie. L’art idiot est une pratique religieuse qui peut provoquer ainsi de tels miracles. Des choses inexplicables pour les sociologues. Je veux moi rendre visible ce miracle de l’idiotie en tenant poétiquement mes journaux.
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Vendredi 7 août
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Le nom de Dieu : le nom de l’amour. Le nom imprononçable. Le miracle de l’idiotie repose sur ce mythe du nom. Prononcer le nom c’est risquer de faire cesser le mystère de l’idiotie. C’est risquer de mettre fin à mon idiotie créative. C’est risqué de tuer poétiquement le poète idiot que je suis.
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Un journal sans nom : un journal sans amour ? Un journal sans amante ? Quel est ainsi le nom amante que je tais dans ce journal ? Le nom de B. ? Un journal sans nom pour retrouver amoureusement en moi-même le nom de B. ?
J’ai traversé à la nage mon idiotie. J’ai traversé à la nage mon amour pour B. . Je ne veux pas choisir une femme pour pouvoir ainsi continuer à parler amoureusement à toutes les femmes. Décider d’aimer B. ce serait décider de ne plus pouvoir aimer toutes les autres femmes. Ce serait du coup renoncer à mon projet d’explorer artistiquement le monde de l’amour. J’ai plongé dans le monde amoureux de notre époque pour en faire une image. C’est cette image que je montre oralement en tenant les journaux. C’est là un voyage que j’entreprend à travers le monde de l’amour pour me retrouver poétiquement. Je suis parti à la recherche de moi-même. C’est une véritable quête amoureuse que j’ai ainsi entreprise pour m’atteindre poétiquement et ainsi réaliser pleinement le nom de l’amour dont je suis porteur.
Je me réalise amoureusement en voyageant ainsi à travers le monde de l’amour. Je veux faire l’expérience d’une multitude d’amours possibles pour pouvoir en parler poétiquement et ainsi dessiner le visage de la femme que je porte en moi. Je porte en moi le corps de la femme que j’aime. Je veux réaliser poétiquement ce corps pour parvenir ainsi à m’en libérer et pouvoir ainsi du même coup rencontrer amoureusement celle que j’aime. B. n’est-elle pas cette femme que j’attends ainsi amoureusement depuis toujours ? Elle est pour moi le double qui me permettra de réaliser pleinement mon idiotie. Je veux réaliser amoureusement B. en la rencontrant animalement. Je traverserai ainsi le miroir de l’amour. Je me retrouverai ainsi tel que j’étais avant de rencontrer celle qui m’a poussé de l’autre côté du miroir : Madame de la Critique de la Raison Pure. B. seul peut me permettre de me retrouver ainsi amoureusement. Je veux m’abandonner poétiquement pour pouvoir ainsi la rencontrer amoureusement.
Je ne sais pas parler amoureusement à une femme parce que je sais penser amoureusement. Je suis juste capable de penser ainsi amoureusement l’être de l’amour. C’est cela même que j’appelle penser animalement. Il me faut m’interdire amoureusement aux femmes pour cultiver en moi le pouvoir poétique de cette parole animale.
Je suis devenu fou parce que je ne suis pas parvenu à rencontrer amoureusement B. . Je suis devenu fou pour devenir capable de penser animalement mon idiotie. Pour réaliser ainsi poétiquement la parole de mon idiotie.
Le travail poétique : le travail de l’amour. Je travaille amoureusement ma langue. Je travaille animalement ma parole. Ce travail est un voyage poétique à travers mon idiotie. Je voyage poétiquement mon idiotie pour travailler ainsi à la rendre créative.
J’étudie amoureusement mon corps. J’étudie poétiquement mon corps amoureux. L’idiotie que je réalise poétiquement : le double de mon corps amoureux. Ce qui me permet de penser animalement mon corps amoureux. Sans idiotie il n’y aurait pas de possible parole animale de ce corps amoureux.
Mon « je me parle les autres » : ma pensée amoureuse. Une pensée animale qui m’empêche de parler amoureusement.
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Je suis né à 20 ans. Je me suis sexualisé en sortant à 20 ans du ventre de ma langue. C’est Madame de la Critique de la Raison Pure qui m’a ainsi permis de sortir amoureusement de moi-même. De m’auto-engendrer poétiquement.
Je suis brulé par mes voix. Par mon « je me parle les autres ». Par mon amour pour la langue. La langue me fait souffrir amoureusement. La langue est pour moi un corps de femme qui m’engendre poétiquement. Je suis amoureux de ma langue. J’ai pour corps amoureux le corps de ma langue : un impossible corps de femme.
Mon expérience érotique avec C. : une expérience des limites de l’amour. C. m’aide érotiquement à traverser le miroir de l’amour. Elle m’aide à réaliser poétiquement ma parole amoureuse.
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Un journal sans nom : un journal avec une image ? Le journal d’un visuel. Là où le mot faillit, l’image surgit. Ne pas nommer pour voir. Se taire pour produire des images. Faire tourner silencieusement la langue pour voir.
Un journal sans nom. Il n’y a plus de nom car j’ai décidé d’aimer B. De choisir le nom d’une femme. Du coup je ne peux plus jouer poétiquement avec les mots de la langue. Plus de nom possible. Vraiment ?
Il y a des vérités qu’on n’a pas le droit de dire publiquement. Moi personne ne pourra jamais m’empêcher de les écrire pour moi-même ces vérités qu’il me faut taire en tant que je suis l’individu d’un groupe. Des vérités qui ne sont pas politiquement correctes à dire. On ne peut dire que les vérités sociologiques. Pas les vérités de l’existence individuelle. J’écris moi ces vérités en tenant mes journaux. J. P. est devenu un personnage public grâce à sa poésie mais cela a fait qu’il a du s’obliger à écrire littérairement. A dire de façon métaphorique sa vérité. A la travestir pour la rendre politiquement correcte. Moi je ne veux pas passer par une fiction pour rendre compte de ma vérité. Je veux la dire crument. Pour cela il me faut rester un artiste anonyme. Un artiste raté en apparence. Un artiste mort en apparence.
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Souvent comme ce soir je me dis à moi-même : « Je suis l’homme le plus heureux du monde. » Je dois ce bonheur à ma chute ou plus précisément à la façon dont j’ai su traité la chute dont j’ai fait l’expérience du fait que j’ai rencontré madame C. . Madame C. m’a poussé socialement pour me faire ainsi tomber socialement. Je suis parvenu à me relever parce que je suis parvenu à me penser idiot et à penser madame C. comme la Madame de la Critique de la Raison Pure de cet idiot que j’ai réalisé être.
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Samedi 8 août
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Il me semble que je peux faire une analogie entre ce qui m’est arrivé du fait que j’ai fait une psychose et les histoires que racontent les auteurs de romans de capes et d’épées du XIXe siècle. Je pense ici notamment aux livres Le comte de Monte Christo d’Alexandre Dumas et Le Bossu de Paul Féval. On peut faire ici une lecture littéraire de la psychose. On saisissait autrement la psychose au XIXe siècle. On en faisait ainsi une lecture littéraire. Le Bossu et le Comte de Monte Christo remontent tous les deux la pente de leur existence après avoir été poussés par leur Madame de la Critique de la Raison Pure. Et ils parviennent à la fin à faire que la vérité qui a fait d’eux des victimes de leur Madame de la Critique de la RaisonPure éclate au grand jour. C’est cela moi aussi que je veux réaliser. J’enregistre le chemin de mon existence en tenant mes journaux : ce chemin que je suis pour remonter socialement la pente de ma chute. Le chemin de ma délivrance. Je veux me faire justice avec ce chemin même que j’enregistre animalement dans les journaux.
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Un journal sans nom : un journal sans femme unique. Un journal sans amour autre que l’amour que je porte à ce journal. Sans amour autre que mon amour pour la langue. C’est cela qui fait de moi un artiste. C’est cela qui fait de moi un aliéné authentique. Si j’avais une femme, si je prononçais amoureusement son nom, alors je cesserais de pouvoir dérouler amoureusement la langue en tenant poétiquement ce journal.
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Mercredi 12 août
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Mon texte Dialogue entre un corps et une langue : un dialogue entre l’existence et la vérité. Le dialogue entre mes peintures sous-marines (le corps) et mes peintures marines, sur-marines et miroirs (la langue).
Je me suis sauvé de mon délire en travaillant à délirer dans le sens animal de mon délire. J’ai enregistré mon délire pour en faire une oeuvre. J’ai rendu ainsi visible mon délire. J’ai rendu ainsi visible mon idiotie.
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On est réduit à l’idiotie par son corps de femme. C’est toujours amoureusement qu’on est réduit à l’idiotie. C’est toujours aussi amoureusement qu’on parvient à sortir de son idiotie. Qu’on parvient à rendre créative son idiotie.
Je crois en mon idiotie créative. C’est cette croyance même qui rend créative mon idiotie. Sans croyance il n’y a pas de création possible. Sans croyance il n’y a que la répétition. Il n’y a que le « je parle les autres ». On produit ainsi non pas des oeuvres mais des miroirs. Seule la foi en l’idiotie peut rendre possible poétiquement le « je me parle les autres ». La voix qui permet de sortir de soi. La voix qui permet d’échapper créativement à son idiotie. L’art véritable est ainsi toujours religieux. C’est la religion animale de l’idiotie qui rend possible l’idiotie créative.
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Philosopher animalement, c’est penser ainsi amoureusement la vérité. C’est travailler à penser la vérité avec son existence animale de poète idiot.
La voix de Madame de la Critique de la Raison Pure : la voix du fascisme du coeur. Cette voix est une voie à suivre pour réaliser poétiquement son idiotie. Pour parvenir à rendre son idiotie créative. Pour parvenir à penser animalement.
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La vérité, c’est la réalisation animale de l’existence. C’est la réalisation poétique de l’idiotie créative. La vérité est un corps de femme. L’existence est un livre à parcourir poétiquement. Je parcours poétiquement mon existence pour réaliser amoureusement la vérité de mon corps de femme.
Je veux penser mon existence comme un corps de femme à réaliser amoureusement. Je veux lire amoureusement ce corps de femme pour faire surgir en moi poétiquement la vérité de mon idiotie. Je veux lire amoureusement mon existence pour travailler ainsi à rendre créative mon idiotie.
Il ne faut pas chercher l’existence dans la vérité mais bien au contraire la vérité dans l’existence. L’existence est première. La vérité n’est jamais que ce qui permet de réaliser le double nécessaire de l’existence. La vérité est ce qui permet de penser l’idiotie de l’existence. C’est en réalisant poétiquement la vérité à l’aide de l’existence qu’on parvient à rendre visible l’idiotie de l’existence. Qu’on parvient ainsi à réaliser le double de l’existence pour parvenir ainsi à rendre visible l’existence.
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Le « je me parle les autres » est l’idiotie du « je parle les autres ». Le « je me parle les autres » est le double du « je parle les autres ». Seul le « je me parle les autres » permet de penser le « je parle les autres ». Le « je me parle les autres » est bien ainsi un miroir qui permet de rendre visible l’idiotie de la langue. Un miroir qui peut ainsi rendre créative la langue. Qui permet de rendre créative l’idiotie.
Le « je me parle les autres » n’est-il pas le nom du « je parle les autres » ? Ce qui permet de nommer le « je parle les autres » ? Ce qui permet ainsi de sortir du « je parle les autres » en traversant le miroir de la langue ? En traversant l’idiotie de la langue ?
Le « je me parle les autres » est la parole animale qui permet d’échapper à une psychose sans issue. Une parole qui est comme un poumon. Un poumon pour respirer poétiquement et n’être pas ainsi asphyxié par le « je parle les autres » de sa psychose.
Le « je parle les autres » de la psychose nous condamne tragiquement à être réduit à ne pouvoir plus qu’être un miroir. Le « je me parle les autres » permet d’échapper à ce destin tragique en rendant possible une idiotie créative.
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Le « je parle les autres » : une langue circulaire. Le « je me parle les autres » : le cogito qui permet de sortir de cette circularité de la langue. Le cogito qui permet ainsi de sortir de l’idiotie de sa langue en la rendant créative.
La tragédie de la psychose : la tragédie du « je parle les autres ». Il faut parvenir à se parler les autres pour parvenir à sortir vivant de cette tragédie de l’idiotie de la langue.
Journal sans nom : Journal innommable. Ce qui n’a pas de nom : ce qui résiste à l’analyse conceptuelle. Un journal sans concept. Un journal qui traite du concept de l’absence de concept ?
Le nom qui permet de nommer la langue : le nom qui permet de sortir de la langue. Le mot idiot n’est-il pas ce point ?
La philosophie animale : une philosophie de l’idiotie et non une philosophie conceptuelle. On en pense pas conceptuellement mais par idiotie. On travaille poétiquement à saisir l’idiotie des choses. On travaille à dire le double qui permet à chaque chose d’exister. A dire l’existence double de chaque chose. Pour saisir ainsi la singularité de chaque chose.
La parole est le concept qui permet ainsi de penser l’idiotie des choses. Qui permet de dire leur singularité. C’est en faisant parler les choses qu’on parvient à les faire exister poétiquement et qu’ainsi elles se mettent à exister véritablement. On parle les choses pour les faire parler. On parle l’idiotie des choses pour faire ainsi parler leur idiotie.
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C’est l’absence de nom qui permet à cet Un de surgir. C’est l’impossibilité de nommer la langue qui fait surgir l’Un de la langue. Dieu surgit là où il est impossible de le nommer. Le mystère du nom de Dieu réalise l’Un de la parole poétique.
L'Idiot est cet Un de la parole poétique. L’Idiot est celui qui n’a pas de nom. Il est l’innommable. C’est le fait même d’être sans nom qui le rend idiot. L’idiot n’est pas ainsi le nom de Dieu mais bien plutôt le signe qui dit qu’il est impossible de nommer poétiquement Dieu. L’Idiot : un mot-signe. Un mot qui ne permet pas de nommer. Nul ne peut être nommé idiot si ce n’est celui qui justement ne peut pas avoir de nom.
Il y a en moi un trou et c’est à partir de ce trou que je parle. Un trou dans ma langue. Un trou créé par une absence de nom. Le trou de la langue c’est le fait pour la langue d’être innommable. Un trou comme un sexe de femme ? Le sexe de la langue ?
Je parle à partir de ce trou dans ma langue. Ce trou est l’Un qui me permet de dérouler poétiquement ma parole.
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Le « je me parle les autres » : le trou dans la langue qui permet de traverser le miroir de l’idiotie. L’espace de l’idiotie : un espace trou. Un espace qui représente le trou de la langue. C’est parce que je suis capable de m’inventer cet espace que je suis capable de traverser le miroir de l’idiotie. D’exister ainsi poétiquement en idiot en liberté.
Les équations du corps et de la langue qui dessinent l’espace de l’idiotie : Les équations de l’existence et de la vérité. C’est en nouant l’existence à la vérité par le bais de ces équations qu’on parvient à dessiner animalement cet espace de liberté. C’est en nouant poétiquement vérité et existence qu’on parvient à faire animalement un trou dans la langue et pour pouvoir sortir par ce trou de sa propre langue. Pour pouvoir ainsi parler une autre langue. La langue des oiseaux. La langue des idiots. La langue de l’idiotie.
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La langue du « je me parle les autres » est un trou dans la langue du « je parle les autres ». La langue de l’idiotie : une langue où vérité et existence sont un. Une langue qui permet de résoudre la contradiction entre la vérité et l’existence. Une langue double. Une langue qui se parle doublement c’est-à-dire amoureusement. Je suis amoureusement à moi-même celui à qui je m’adresse lorsque je me parle les autres. C’est en parvenant ainsi à m’adresser poétiquement à moi-même que je parviens à parler la langue de l’idiotie. Que je parviens à parler à partir de l’Un qui fonde ma parole poétique. Je suis poétiquement fondé par cet Un que je porte animalement en moi. Je me courre sans arrêt après en tenant mes journaux pour que cet Un se prolonge animalement en moi.
Journal sans nom : journal idiot. Journal capable pour cela de se parler les autres. Journal capable de sortir poétiquement du « je parle les autres ». Journal capable de parler doublement. De parler amoureusement. De parler une autre langue que la langue du groupe. Journal capable de rendre visible amoureusement le fascisme du coeur propre à notre société de la télé-réalité et cela parce que capable de parler avec idiotie de l’existence et de la vérité.
Je fais parler amoureusement mon journal. C’est mon journal qui parle. Il parle librement parce qu’il n’a pas de nom. Je ne l’ai pas nommer pour le laisser libre de dire amoureusement ce qu’il veut. Il est idiot et c’est cela même qui le rend apte à parler poétiquement.
Je ne veux pas domestiquer mon journal comme on domestique un animal de compagnie en le nommant. Je veux qu’il reste à l’état sauvage. Je veux qu’il reste naturel. Non socialisé. Capable pour cela de s’en prendre animalement à notre société de la télé-réalité. Un journal sauvage : Un journal qui mord. Un journal qui ne se laisse pas domestiquer.
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Je vis mon journal comme un double qui me permet d’exister amoureusement. Mon journal : l’idiotie dont j’ai besoin poétiquement pour penser ma vérité et mon existence en même temps. Dans le même geste de l’écriture. Il est l’idiotie qui me permet d’être et de penser à partir de l’Un qui me fonde animalement.
Je me fais Un en tenant mon journal. Je me fais Un en tenant le journal de mon existence et de ma vérité. J’écris pour unir ainsi poétiquement en moi vérité et existence.
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Mon journal : une mémoire. La mémoire de mon écriture. Pour lutter contre l’oubli généré en moi par ma psychose. Je m’invente ainsi une autre mémoire. Une mémoire extérieure. La mémoire de mon idiotie.
Je raconte avec l’écriture l’histoire de ma vie au jour le jour. Je transforme ainsi ma vie en une fiction à raconter. C’est ma vie qui écrit. C’est ma vie qui raconte l’histoire de ma vie. Je me laisse écrire par ma vie. Je me laisse écrire par mon existence et ma vérité. Je m’invente ainsi une histoire : celle d’avoir à raconter ainsi en permanence l’histoire de ma vie.
Je regarde la vie avec les yeux de mon journal. Je regarde la vie avec ce double que je m’invente poétiquement. Je m’invente ainsi poétiquement un double pour pouvoir chevaucher animalement ma vie.
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Mon écriture : un corps amoureux. Un corps qui écrit amoureusement son idiotie. Un corps qui se déroule amoureusement en moi. J’écris avec le corps de femme de mon écriture. J’écris pour rendre visible ce corps de femme. J’écris pour rendre visible mon écriture. Pour rendre visible mon idiotie. C’est ainsi que je rends créative mon idiotie. Je la rends créative en la rendant ainsi visible.
Je n’écris pas. Je parle. Je parle avec les mots que j’écris. Je parle avec mon écriture. Je parle avec mon idiotie. Je parle en même temps mon existence et ma vérité. Dans une seule parole. La parole de l’Un. La parole double de l’idiotie.
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Jeudi 13 août
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Je revendique une poésie totale. Une poésie de toute la vérité. Je veux me battre poétiquement contre le silence de la poésie. Je veux ainsi penser animalement mon silence de poète idiot pour parvenir ainsi à le rompre. Je veux faire entendre ce silence. Je veux le rendre visible. Je veux en faire la peinture la plus réaliste possible.
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Vendredi 14 août
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Je ne me souviens plus de mon nom. J’ai oublié mon nom. L’artiste travaille ainsi à retrouver son nom parce qu’il est d’abord celui qui fait l’expérience de l’oubli de son nom. Un journal sans nom c’est ainsi un journal qu’il faut travailler à nommer. Il faut retrouver le nom de ce journal et c’est cela même qui est le moteur de l’écriture de ce journal.
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Je m’oublie en buvant mon cours de femme. Je bois mon corps de femme en mangeant des corps de femmes. Mon ivresse est bien ainsi amoureuse. Je me rend amoureusement ivre avec les corps de femmes que je dévore ainsi amoureusement. Cette ivresse animale suscite en moi l’ivresse poétique qui me rend créatif. C’est parce que je suis ivre animalement que je ressens en moi la nécessité de me rendre ivre poétiquement. Je me rends ivre poétiquement avec mon ivresse animale de mangeur de femmes.
Je n’écris poétiquement que lorsque je suis ivre animalement. Sans ivresse pas d’idiotie créative. Sans ivresse pas de possible écriture poétique de l’être. Mon écriture est bien ainsi d’abord animale. J’écris animalement pour pouvoir écrie poétiquement. L’animalité de mon écriture est bien ainsi première. C’est elle qui rend mon écriture poétique.
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La lumière vient ainsi du texte brut. C’est le texte brut qui me donne à voir ce que je cherche à retrouver en le rédigeant ainsi animalement. Il est bien ainsi comme une sorte d’être vivant pour moi. Un organisme qui a sa propre vision. Je rédige mon journal pour apprendre de lui la vision dont il est animalement porteur. La vision dont il est poétiquement gros. Cette vison apparait d’abord mystérieusement avec le titre qui s’impose à moi animalement et je découvre ensuite poétiquement en rédigeant animalement le journal le sens d’abord mystérieux pour moi de ce titre. J’éclaircis ainsi par l’écriture animale de mon journal la vision d’abord mystérieuse pour moi dont est porteur le titre de ce journal.
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Journal d’un criminel : Je parle du criminel dont j’ai été la victime. Je parle de la Madame de la Critique de la Raison Pure que j’ai été. Je me mets à nu pour mettre ainsi à nu cette Madame de la Critique de la Raison Pure dont j’ai été la victime.
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La psychose : une maladie du nom. On devient fou à cause de son nom. On devient psychotique à cause du nom par lequel on est nommé par les autres. Je ne portais pas mon nom. Je portais le nom d’un autre. Je n’étais pas moi-même à cause du nom avec lequel les autres m’avaient nommé.
Je me suis nommé idiot pour pouvoir me redécouvrir moi-même. Je me suis nommé idiot pour pouvoir me restituer à moi-même. Je me suis nommé idiot pour pouvoir me doter d’un nom qui soit à moi véritablement et non qui fasse de moi un être ne pouvant exister que pour les autres. Ne pouvant exister que pour le nom avec lequel les autres le nommaient. Je me suis ainsi échappé de mon nom. Je suis sorti de mon nom en parvenant à me nommer idiot. En me nommant idiot je me suis doté d’une assise : l’assise de l’idiotie. Une assise qui m’a permis de faire face au jugement des autres sur moi.
J’avais avant pour nom un « je parle les autres ». En me nommant idiot je suis parvenu à me nommer avec un « je me parle les autres ». Je suis ainsi parvenu à me nommer pour moi-même et non plus seulement pour mon père. Je n’existais avant que pour le nom avec lequel je jouais mon père à mon père. En me nommant idiot je suis parvenu à me parler les autres et ainsi à devenir un fils pour mon père. J’ai ainsi du même coup permis à mon ère de devenir lui-même un père.
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C’est le nom que l’on porte qui nous amène à délirer. On m’a fait délirer en me nommant avec un nom qui n’était pas le mien. On m’a poussé à délirer en me poussant à être quelqu’un d’autre que moi-même.
On parle la langue de son nom. Moi j’ai parlé une langue sans nom. Jusqu’au jour où je me suis sexualisé. J’ai pu alors parler la langue de l’idiotie. La langue du mot idiot. Je me suis nommé idiot pour pouvoir parler cette langue.
Le fou : celui qui n’a pas de nom. L’idiot : l’aliéné authentique. Le fou qui parvient à se doter d’un nom et qui parvient ainsi à parler la langue de son idiotie.
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Je parle maintenant ma langue. Je suis maintenant le père de la langue que je parle. J’ai parlé avant une langue dont je ne savais être que le fils. Une langue qui m’enfantait comme un fils. C’est moi aujourd’hui qui enfante ma langue comme un père.
J’ai appris à parler ma langue en père et non plus en fils. J’ai pu ainsi me restituer mon idiotie de fils pour me faire le père de cette idiotie. L’idiotie de fils est une idiotie passive. En me faisant le père de mon idiotie je suis parvenu à rendre volontaire mon idiotie. A me vouloir ainsi positivement idiot pour me faire ainsi l’auteur de mon existence. Je n’avais ainsi plus à subir animalement mon existence. J’étais désormais en mesure de me faire l’auteur de mon existence. De me vouloir positivement vivant et non plus négativement. C’est ainsi que je suis parvenu à devenir un être singulier.
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Parler la langue des autres comme une langue étrangère c’est parvenir à accéder à sa propre langue. On y parvient en prenant conscience en soi de la possibilité pour soi d’un « je me parle les autres ».
Journal sans nom : le journal d’un fils dont il me faut devenir le père. Un journal à nommer comme un père a à nommer son fils. Je me veux le père de ce journal pour ne plus avoir à en être le fils. Je veux nommer ce journal pour le faire exister poétiquement pour moi-même. Je veux m’enfanter poète idiot par l’écriture de ce journal sans nom.
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L’idiotphysique : la science du fils idiot dont le père est physicien.
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Le « je parle les autres » : le discours du fils. Le « je me parle les autres » : le discours du père.
Seuls ceux qui ont été des fils peuvent devenir des pères. Seuls ceux qui ont tenu le discours du fils peuvent en pensant animalement ce discours produire le discours du père. Sans la névrose du fils il n’y a pas de possible idiotie créative de la névrose du père.
Seul le corps amoureux du fils peut engendrer la langue de l’idiotie. Seule la névrose du fils peut engendrer la névrose du père. Il s’agit d’aller du fils au père en remontant la pente de l’idiotie. En parlant la langue de l’idiotie.
Je ne peux parler amoureusement qu’à moi-même. Je ne suis capable de séduire que moi-même. C’est ainsi que je suis amoureusement autocentré. Je pratique exclusivement l’auto-amour. D’où mon art de l’idiotie. Je peux pratiquer poétiquement mon idiotie parce que je suis ainsi lié amoureusement à moi-même. Si je me liais amoureusement à une autre femme que moi-même alors je cesserais d’être en mesure de pratiquer ainsi amoureusement l’art de l’idiotie. Mon idiotie cesserait alors du même coup d’être une idiotie créative. Je tomberais alors tragiquement dans une idiotie exclusivement pathologique.