DES VRAIES RAISONS QU’IL Y A À FAIRE LA DÉFENSE ET L’ILLUSTRATION DE LA MÉDECINE MENTALE ET CELA-MÊME CONTRE L’USAGE DES STÉRÉOTYPES ROMANTIQUES QUI PEUVENT ÊTRE UTILISÉS CONTRE LA MÉDECINE MENTALE PAR CEUX-LA MÊMES QUI BÉNÉFICIENT DE SES SOINS
PREMIÈRE PARTIE
La psychanalyse : nous nous constituons par elle malade mental.
Du coup notre névrose s’exprime au grand jour, je veux dire sous le regard des autres et de tous les autres.
Oui, voilà bien notre nouveau statut : être idiot. Être pour les autres un idiot et rien que cela.
À moins d’être poète.
À moins de se révolter contre cette schizophrénisation de notre existence. Et pour cela c’est la psychanalyse même que nous devons attaquer et ce, à l’aide de la psychanalyse même.
Attaquer donc le concept de maladie mentale et ce, grâce au concept même de maladie mentale. Oui, le mot idiot est bien le seul mot qui puisse nous permettre de lutter contre le mot idiot. C’est en ce sens qu’il faut constituer le discours sur l’idiotie hérétiquement, je veux dire le constituer en brisant les normes qu’il véhicule et qui nous font croire qu’il ne peut y avoir qu’une idiotie et que cette idiotie ne peut être appréhendé qu’à travers la notion de maladie mentale.
C’est pour toutes ces raisons que j’ai dit du mot idiot qu’il était mot de lui-même. Il est en effet le seul mot à être en mesure de s’affronter lui-même. À être donc en mesure de s’engendrer et pour cela même d’engendrer la langue.
En fait la psychanalyse, en nous néantisant, nous donne le pouvoir de néantiser à notre tour ceux-la mêmes qui voudraient utiliser la psychanalyse pour nous néantiser.
Oui, c’est bien là l’intérêt profond de la psychanalyse : elle est une pratique qui nous aide à lutter contre la pratique de la psychanalyse sauvage, cette pratique qui consiste à utiliser la psychanalyse dans un sens normatif, avec donc pour premier souci de s’octroyer le droit de néantiser tous ceux que l’on juge différent, que l’on juge coupable parce que coupable de ne pas parler notre langue, la langue du groupe et en ce sens devant être jugé pour être exclu du groupe.
Or cela, la psychanalyse ne le fait pas. J’ai à plusieurs reprises attaqué psychanalyse et psychiatrie dans mes textes, un peu à la façon d’Artaud. Je dois reconnaître que la motivation de ces attaques était très faible : plus romantique donc que réel.
En fait je suis bien l’enfant de la psychanalyse et de la psychiatrie en tant que je leur dois peut-être le fait d’être encore en vie et aussi le fait d’avoir pu courageusement affronter tous ceux qui utilisaient psychanalyse et psychiatrie à des fins normatives, je veux dire dans le but de faire régner au sein du groupe les normes de leur propre discours, autrement dit les normes du discours de l’individu social ne sachant que se penser socialement et pour cela n’aspirant qu’à se socialiser pour se sexualiser.
Oui, au fond en attaquant psychanalyse et psychiatrie, je ne faisais qu’attaquer ceux qui utilisaient de façon perverse les outils créés par la pratique de ces deux disciplines.
De fait la psychanalyse et la psychiatrie me permettent avant tout de m’attaquer à une certaine forme de discours psychanalytique et psychiatrique.
C’est un pervers !
C’est un malade mental !
Il est dérangé !
Je crois bien avoir été sur le point de croire tout cela. De me croire donc plus que bon à me jeter sous un train.
C’est donc bien le souci de rendre grâce à ceux qui m’ont soigné, avec je crois beaucoup d’intelligence, à savoir ma psychanalyste et mon psychiatre, qui motive ce texte.
Oui, la médecine mentale a inventé la maladie mentale. Et ce dont souffre le malade mental, ce n’est pas de cette invention mais bien plutôt de l’usage qui en est fait par le profane au nom de ses propres normes ou plus largement des normes véhiculées par le groupe auquel il a tout sacrifié et ce, pour recevoir en retour son soutien.
Ce que donc permet la médecine mentale, c’est de faire reprendre pied au dit-malade dans l’authentique discours sur la maladie mentale et ce pour l’aider à affronter le pseudo-discours médical véhiculé sauvagement par le tout des autres.
Un grand merci donc à tous ceux qui rendent possible un usage sain et authentique de la médecine mentale.
Oui, je dois bien reconnaître l’immensité de ma dette à l’égard de la médecine mentale et ce, en tant que poète. C’est pourquoi je m’essaye ici à faire un éloge poétique de cette médecine.
DEUXIÈME PARTIE
Mon Traité d’idiotphysique ?
De la psychanalyse à deux balles ? Ou l’écrit d’un poète ?
Oui, il y a là une vraie question : peut-on, en se faisant psychanalyser et même soigner par un psychiatre en ingurgitant chaque jour des neuroleptiques, rester malgré tout poète ?
La vraie poésie n’est-elle pas au contraire celle de Villon, je veux dire celle de l’absolue liberté du poète ?
Certes la pratique de la médecine mentale entraîne une certaine forme d’embourgeoisement et ce, en favorisant la création d’une certaine forme de confort au sein de la famille et de la société de par le fait qu’on est reconnu donc considéré comme un malade qui se fait soigner c’est-à-dire comme quelqu’un de désormais inoffensif.
Mais au sein même de cette bulle sociale créée par la médecine mentale pour permettre au dit-malade de ne pas subir trop cruellement les exigences de la réalité, il est possible de se constituer malgré tout poète c’est-à-dire homme se donnant pour tâche de sublimer son état en un état poétique et ce, pour, à partir de ce nouvel état, entreprendre une critique en bonne et du forme de ces normes sociales qui poussent les individus à devenir fou c’est-à-dire qui les poussent à ne plus pouvoir que se penser en contradiction avec ces normes et qui font donc que, pour traiter la souffrance générer par ces contradictions, s’impose à eux l’issue sociale créée par le concept de maladie mentale autrement dit l’issue qui consiste à se réfugier au sein même de l’idiotie et ce pour se constituer idiot et seulement idiot.
Oui, c’est bien cela que permet la psychanalyse : devenir fou positivement là où l’on est devenu fou négativement et ainsi se défoutiser c’est-à-dire reprendre pied au sein de l’espace social.
Même dans le cas où l’on ne se ferait pas psychanalyser, on aurait quand même à construire son discours contre la violence de la psychanalyse sauvage. On peut même ici supposer que cette violence crée en nous la nécessité de construire un discours sur cette violence et donc par là même un discours sur la maladie mentale.
Or la psychanalyse nous aide bien, en tant qu’elle nous offre une pratique, à nous faire une idée plus juste et plus authentique de cette pratique, cette idée plus juste et plus authentique ne pouvant que nous amener à mieux affronter notre discours poétique.
Oui, il est bien possible d’utiliser la psychanalyse a des fins poétiques. Comme une arme devant nous permettre de mieux contrer les attaques que nous fait subir la psychanalyse sauvage et ce, du fait même que l’idée que nous nous faisons désormais en tant que poète de cette réalité médicale, nous découvrons qu’elle ne justifie en rien les attaques que nous subissons par le biais de la psychanalyse sauvage et que même ces attaques, nous les découvrons naïves, ne tenant pas le coup théoriquement et pratiquement face à notre propre discours poétique.
Oui, il s’agit bien de construire un discours capable de renverser le discours généré par la psychanalyse sauvage. Et c’est bien en ce sens, je veux dire au sens où ce discours sera capable d’ébranler ces autres qui croyaient pouvoir nous néantiser à l’aide de quelques concepts mal digérés, qu’il pourra être dit poétiquement efficace donc véritablement poétique.
Bien entendu, on peut être poète et n’avoir pas à souffrir de la psychanalyse sauvage. Le poète dont je parle ici, c’est le poète idiot, le poète qui est malgré lui aux prises avec le concept de maladie mentale. C’est donc bien pour ce poète que se pose la nécessité d’une pratique du discours médical.
Pour clore ici ce pamphlet, je n’ajouterais que ce mot : si Villon avait pu avoir l’usage du discours médical, oui, certainement il aurait su en faire un usage merveilleux au sens de profondément poétique. Profitons donc de la chance qui nous est donné et restons poète tout en nous faisant analyser c’est-à-dire tout en profitant de l’optique poétique que peut conférer à un poète la pratique du discours médical.
TROISIÈME PARTIE
Enfin, il y a une troisième raison de faire l’éloge de la pratique du discours médical pour le poète idiot.
Ce dont je veux ici parler, c’est de la question du Christ. L’idiot se vit comme un Christ. Ou plutôt les autres le pousse à se vivre ainsi.
Je voulais devenir Rimbaud, devenir Villon, devenir Lautréamont et bien d’autres encore.
Or tous ces êtres, tous ces éclairs poétiques, ont été des Christs.
Il n’y a qu’à se pencher sur leur vie. Ils ont porté au sens véritable du terme une croix et se sont fait crucifier et cela, comme le Christ, sous les crachats du peuple, c’est-à-dire de ceux-la mêmes qui leur étaient chers et pour qui donc ils avaient lutté toute leur vie.
Oui, tous ces poètes ont bien œuvré comme des Christs contre la langue au sens où la langue est ce qui asservit les hommes, ce qui les esclavagise.
Or, m’étant construit selon ce modèle, j’aurais du avoir le désir de suivre cette voie c’est-à-dire que j’aurais du avoir la volonté de vivre comme ils ont vécu.
Imaginons un instant que j’ai fait ce choix. À coup sûr je n’aurais pas perduré bien longtemps. C’est que le monde dans lequel nous vivons n’est plus celui de Rimbaud et encore moins celui de Villon.
Personne ne peut espérer survivre socialement dans notre monde par le simple fait de se constituer poète à soi-même.
J’aurais donc commis des actes irréversibles, voler, tuer même peut-être et puis : dans de telles conditions, comment écrire ? Comment publier ? Comment valoriser ces œuvres, ce que j’ai fait par exemple en me dotant d’un diplôme ou encore en réalisant un site internet ?
Il y a une réalité sociale et on ne peut la nier sans se réduire à néant, sans se condamner à n’être plus qu’un déchet.
Je serais donc au mieux devenu ce déchet : un idiot négatif, un alcoolique, un voleur.
Ou encore : sombrant sous les coups de la réalité je me serais suicidé.
Cela je ne l’ai pas fait. Non j’ai profité du luxe qu’offre la pratique du discours médical et ce, en me rendant chaque semaine chez un psychanalyste et un psychiatre. Cela a tout d’abord rendu possible une situation « à peu près tenable » au sein de ma famille. Et par conséquent au sein de la société.
Jouissant donc du certain confort de cette situation, toutes mes forces n’ont pas été anéanties et j’ai donc pu en conserver assez pour entreprendre une possible œuvre poétique.
Et cette oeuvre, je l’ai construite sur la base d’une déchristification. Oui, mon but a été désormais de lutter contre le désir que j’avais de me rendre Christ à moi-même. De me détruire donc au nom d’un pur fantasme poétique, ce fantasme que véhicule la culture à partir des exemples de Villon, Rimbaud, Lautréamont et bien d’autres encore.
Non, je ne serai pas Rimbaud, ni Lautréamont, ni Villon.
Oui, ce qu’il me fallait bien au contraire c’était me faire poète et ce en m’affrontant à ces mythes, c’est-à-dire en saisissant ce par quoi ils se constituaient à moi comme des mythes ne pouvant que mener à ma perte et à ma perte en tant que poète même alors que ce qu’ils me forçaient à croire, c’était bien le contraire même, c’est-à-dire l’idée qu’en me construisant selon ces mythes je parviendrais moi-même au statut de Mythe et que donc il me serait conféré la gloire poétique de devenir, comme eux, une étoile au ciel. De voir mon nom se graver sur le marbre blanc de l’histoire.
C’est-à-dire que je serais mort de froid. De faim. De n’être rien. De n’être même pas poète.
Oui, l’expérience de la pratique du discours médical m’a bien permis d’échapper à ce devenir-déchet : n’être qu’un idiot.
C’est en ce sens que cette expérience a rendu possible l’idiotphysique qui est justement la solution qu’il peut nous être donné de trouver au problème insoluble que nous pose l’impossibilité de récréer ces mythes de notre propre vivant.
Et encore moins post-mortem. Oui, beaucoup ont du mourir de froid, de faim en ayant cru laisser derrière eux des œuvres inouïes et ce, alors même qu’ils sont restés tout à fait inconnus.
C’est là le travail du fantasme qui nous constitue en déchet.
Or ce que permet bien la psychanalyse c’est l’analyse de toutes ces considérations et par là même la constitution d’un discours proprement poétique au sens où il est discours capable de prendre en considération la réalité de ce devenir-déchet donc la nécessité d’y échapper et ce, en se constituant discours de lui-même.
Oui, on ne peut créer un mythe poétique qu’en démystifiant les mythes poétiques du passé, qu’en saisissant ce par quoi ils se constituent à nous comme des mythes, c’est-à-dire comme des mensonges au service d’un discours destructeur, aliénant et ne pouvant donc mener qu’à la naissance de Christ-déchets : d’êtres, qui, pour avoir cru avoir à devenir des Christs, sont devenus déchets d’eux-mêmes et par la même sont passé à côté d’eux-mêmes, à côté de leur possible réalisation poétique.
L’idiotphysique, en démystifiant son propre mythe, je veux dire le mythe d’une possible science de l’Homme, m’a permis de créer une nouvelle géographie sociale, je veux dire à rendu possible la création d’un nouveau rapport salutaire au monde, rapport qui avait été détruit par le langage mensonger qu’on avait cru bon de me tenir au nom même de ces mythes.
Oui, la psychanalyse est bien un moteur de démystification de sa propre personne. On se démystifie au sens où l’on prend conscience de l’inanité des mythes qui nous traversent et selon lesquels on a cru bon de se construire et ce, pour parvenir à se déchristifier c’est-à-dire parvenir à n’avoir pas à devenir un Christ autrement dit un simple déchet de mythe.
Oui, l’objet a, cette fameuse expression que je nomme le « je me parle les autres », est bien une sorte de mythe et mythe au sens où toute langue se construit selon l’histoire de cette formule même.
Tout mythe crée un fantasme et créant ce fantasme, il pervertit notre rapport à la réalité.
Ce qu’il nous faut donc faire, en tant que poète idiot, c’est pratiquer une analyse poétique de ces mythes et ce, pour se déchristifier c’est-à-dire se donner la chance d’être peut-être un poète à l’origine d’un nouveau mythe.
Et ce nouveau mythe nous ne pouvons le vouloir que contre tous les mythes poétiques qui nous ont précédés en tant que de par le fait même qu’ils existent comme mythe, ils sont source de déformations optiques.
De fait : la seule façon d’être poète, de se faire poète, c’est de se rendre étranger à son propre mythe c’est-à-dire au fantasme que génère le rapport que nous entretenons à nous-même de par le rapport que créent en nous les mythes qui nous ont précédés et qui ainsi nous façonnent négativement : contre nous-mêmes.
Non, je ne deviendrai pas poète au sens où Rimbaud et Lautréamont ont été poètes mais bien au contraire au sens où ils ne sont pas parvenus à se faire poète c’est-à-dire au sens où ils sont parvenus à échapper aux griffes de leur propre mythe.
Au fond, notre propre mythe, il n’est jamais que produit par les mythes qui l’ont précédé et dont il nous a été donné de prendre conscience. Il ne peut donc par là même qu’être vecteur de fausseté au sens où une optique déformante crée une vision fausse des choses.
À ce mythe, il nous faut donc opposé un autre mythe et ce second mythe n’est jamais que l’image inversée du premier, donc de tous ceux qui ont précédé ce premier mythe.
Oui, il faut bien inverser son propre mythe. Et cette inversion a bien pour sens une déchristification. En ce sens peut être aussi le sens de la création d’une nouvelle forme de christification. Oui, si nous ne sommes plus Christs à nous-même, peut-être alors aurons nous la grâce de le devenir dans un tout autre sens, dans un sens donc positif ici : au sens donc où Rimbaud et Lautréamont ont été véritablement Christ et non pas métaphoriquement, je veux dire de façon non pas mythique, fantasmatique mais bien au contraire ancrée dans le réel.
Au sens donc où tous les grands poètes ont été des Christs : non pas des Christs au service de l’ordre de la langue mais Christs au contraire cherchant à ébranler les bases de cette langue et ce, en ayant recours au Contre-Esprit.
Oui, il faut bien, si l’on veut se faire poète véritablement, ne plus se vouloir Christ, au contraire tout faire pour lutter contre ce désir-aliénant et ainsi peut-être devenir malgré soi Christ, je veux dire malgré cet incessant combat contre soi-même.
Oui, ce qu’il faut, ce n’est pas se vouloir idiot, c’est être malgré soi idiot. Et ainsi l’être véritablement.
Clôturons donc par ces mots notre pamphlet : pour être poète, pour avoir une chance peut-être d’en devenir un, il faut cesser de se vouloir poète, cesser de se croire poète.
Vive donc la pratique poétique du discours médical !
Et à bas les curés qui nous font croire au bien fondé du discours de la psychanalyse sauvage !