"Le mot idiot est le mot qui permet au poète de se faire auteur. Il est ainsi le mot d’un passage. Le mot du trajet qui permet au personnage de retrouver l’auteur dont il est le personnage. Le mot ainsi d’une délivrance littéraire ?"
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"Il n’y a pas de création sans idiotie pathologique. Un monde sans maladie mentale serait ainsi un monde sans création. Un monde mécanique incapable de produire des oeuvres d’art. Un monde sans issue autre que celle d’être un individu parfaitement adapté sur la plan social. Il faut de l’idiotie pathologique car le monde a besoin d’hommes capables de faire poétiquement des créateurs. Il faut des personnages car il faut des auteurs."
(Journal d’un personnage et son auteur)
Je développe depuis 1998 un travail plastique et littéraire sur le thème de l’idiotie. L’idiot c’est étymologiquement chez les Grecs l’homme privé opposé au citoyen. L’idiotie du réel, c’est la singularité du réel. Je reprends ces sens des mot idiot et idiotie pour défendre ma vision poétique de la création. Je m’oppose à l’idiotie littéraire et savante de Jarry pour développer une pensée de l’idiotie amoureuse. Je veux parler de l’homme privé qu’est un artiste avant toute chose et cela pour faire une critique de l’approche historisante de la création artistique développée par la pensée universitaire. Je cherche à rendre visible l’idiotie du réel en travaillant à enregistrer le réel dans l’écriture de mes journaux.
Je veux défendre la possibilité du poète idiot contre celle du suicidé de la société. Il s’agit pour le créateur de prendre conscience de la véritable nature de son idiotie amoureuse et cela pour ne pas en venir à se suicider romantiquement. Pour aussi bien se dissocier de ceux qui pratiquent auditivement et non visuellement la création artistique. Le suicidé de la société est un personnage dont il faut parvenir à se faire l’auteur. Il faut prendre conscience poétiquement de son idiotie pathologique et cela pour la transformer en une idiotie créatrice.
J’oppose au romantisme l’animalisme. La pensée animale du poète idiot repose sur la possibilité de sa vision orale de l’existence : une pensée entre foi et raison, contre la vieillerie métaphysique du romantisme mais aussi contre la toute-puissance de la lecture non-affective du réel véhiculée par le rationalisme des sciences humaines.
J’ai pour philosophie mon existence animale de poète idiot et je travaille à l’aide de cette existence-philosophie à développer une critique animale de notre société néo-libérale. En enregistrant ainsi mon existence animale dans mes journaux j’inscris mon travail d'écriture dans le genre de l’écrit d’artiste tel qu’il a été initié au début de la Renaissance par Benvenuto Cellini.